lundi 22 avril 2024

Choisir son épée pour l'escrime de spectacle

Récemment on m'a demandé des conseils en MP sur l'achat d'armes pour le combat de spectacle. Le lecteur m'avait fait remarquer que cela pourrait faire un article intéressant et je sors donc un peu ce blog de sa torpeur pour écrire celui-ci. Rassurez-vous ce n'est certainement pas le dernier article du blog même si les publications sont un peu aléatoires depuis un peu plus d'un an.

Après avoir acheté presque une dizaine d'épées et sabres (et peut-être quinze à vingt armes utilisables pour le spectacle), en avoir manié bien plus et vu des dizaines je pense avoir quelques idées sur ce quoi acheter et où. L'idée est de voir quelles qualités il faut rechercher mais aussi, ne nous le cachons pas, de savoir où trouver de bons rapports qualité/prix. En effet, notre loisir est coûteux mais si l'on peut en diminuer le coût acheter plus d'épées c'est tant mieux.

Je mettrai ici de côté les armes en duraluminium, n'en ayant aucune expérience et en ayant très rarement vu je ne me sens pas en mesure de prodiguer des conseils sur celles-ci.

Nous procéderons en deux étapes. Tout d'abord il faut définir, épée par épée, les qualités que l'on attend d'une arme, ce qui est plus ou moins important pour celle-ci. Et ensuite, fort de cette connaissance, nous regarderons les différentes catégories d'armes disponibles sur le marché pour voir où l'on peut s'orienter pour telle ou telle épée. Ainsi on n'achètera pas forcément sa rapière là où l'on peut acheter un sabre d'abordage.

Nota Bene : vous trouverez en illustration des armes de certains fabricants ou revendeurs. Comme j'utilise leurs images je les cite et j'essaie que cette citation soit pertinente par rapport à mon propos. Cependant je préfère préciser que je n'en tire absolument aucun avantage pécuniaire ou matériel.

Fourbisseur dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert
"fourbisseur" dans l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

Qu'est-ce qu'une bonne épée de spectacle ?

La première question à se poser est de se demander quelles qualités on attend d'une épée de spectacle, de l'usage que l'on va faire de celle-ci.

Attentes générales

Il y a d'abord quelques éléments communs à toutes les armes de spectacle. Une bonne arme de spectacle doit permettre la pratique en toute sécurité. Le minimum est donc qu'elle ne soit pas tranchante (c'est très rare) mais surtout, qu'elle ne soit pas pointue. Ne sous-estimez pas le pouvoir de pénétration d'une épée pointue, il n'y a besoin de presque aucune force pour vous transpercer. N'utilisez JAMAIS une épée pointue en vous disant "je vais faire attention, je n'ai pas eu le temps de la meuler, je maîtrise". C'est une très mauvaise idée.

Toujours pour la sécurité, vous devez pouvoir maîtriser votre arme, donc pouvoir l'arrêter. Cela suppose que l'on va privilégier un équilibre vers la garde alors que dans certaines pratiques non spectacle on cherchera parfois l'inverse. De même, une arme plus légère sera plus facile à arrêter et donc on privilégiera les modèles les moins lourds.

Autre chose, une épée de spectacle doit pouvoir parer. Entre les mains de mauvais escrimeurs qui parent avec leurs tranchants et non en 3/4 pour minimiser le choc, les lames devront encaisser des chocs encore plus puissants. Il faut donc une lame solide, en acier, qui ne cassera pas au moindre choc.

Un mot sur la flexibilité pour dire que c'est en général un facteur négligeable. L'escrime de spectacle s'accommode d'armes très rigides comme d'armes plus souples. Une arme trop rigide peut être cassante et une trop souple gêner certaines techniques mais vous trouverez rarement des armes trop rigides ou trop souples, à quelques exceptions près. Donc ce critère est d'abord une affaire de goût personnel ou d'envie d'avoir une arme polyvalente (pour les AMHE en parallèle par exemple). Sinon une arme capable d'encaisser les chocs suffit.

Les rapières à lame triangulaire

Passons désormais aux catégories d'épées spécifiques et, en premier, l'arme qui est encore (à mon grand désespoir ?), la plus pratiquée, la rapière à lame triangulaire. Il y a assez peu à dire. Il y a les chocs que doit pouvoir encaisser une lame qui n'est pas faite en principe pour une pratique de coups de taille. En dehors de cela on peut essayer d'avoir des lames ou des gardes plus ou moins lourdes mais, au vu du faible poids de base de ces armes, cela ne change pas énormément. Au final c'est surtout l'esthétique et/ou le prix qui jouera parce qu'une lame ou une autre changera assez peu à votre pratique. Tout au plus si vous faites de l'épée de cour (donc de la pointe) privilégier les armes de ce types et évitez les grands quillons qui vont gêner les manœuvres fines (comme les dégagés) de votre partenaire qui risque de se prendre dedans.

Rapière "Cyrano II" de chez Armes Garcia

Les rapières à lame plate

Si l'on veut une rapière qui se rapproche plus d'une véritable arme historique il faut donc passer à la rapière à lame plate. Et là l'équilibre est primordial : votre arme de doit pas être trop vers l'avant sous peine de vous handicaper voire de vous valoir des tendinites. Essayez aussi qu'elle soit relativement légère (ne rêvez pas, vous n'aurez pas l'absence de poids d'une lame triangulaire). Pour ce qui est de la longueur de la lame, à vous de voir mais souvent c'était plutôt des lames d'1m de long, voire plus. Enfin, une chose assez peu connue : la longueur de la fusée. Celle-ci se doit d'être très courte sinon vous aurez du mal avec les mouvements de poignets. Si vous observez les armes historiques vous remarquerez que les fusées sont très courtes. Évidemment ça nuit un peu à l'équilibre mais vous aurez de bien meilleurs mouvements avec une fusée courte (cela va me conduire à aller chercher un jour la scie à métaux pour la mienne d'ailleurs). 

Rapière du début du XVIIe siècle sur le site Royal Armouries (musée de Leeds)

Les épées longues

L'équilibre d'une épée longue joue, là encore, sur sa maniabilité. Mais finalement, plus encore que l'équilibre vers la garde, c'est la longueur de la fusée qui compte le plus. Si vous tenez correctement votre épée (voir notre vidéo) vous avez donc la main gauche (ou droite pour les gauchers) qui se promène sur le pommeau et joue sur l'effet levier. Or, comme le disait déjà ce bon vieil Archimède, plus le levier est long, plus la démultiplication de force est importante. Donc, plus votre fusée est longue, plus vous aurez de levier, donc de force pour faire changer l'épée de direction rapidement, donc de maniabilité. Alors, oui, vous objecterez que les longues fusées c'est surtout le XVe siècle (et le début du XVIe), et même plutôt sa fin et vous aurez parfaitement raison. Donc si vous XIVe acceptez d'avoir des armes moins maniables.

Le poids d'une épée longue est aussi important. Évitez de dépasser les 1,5kg, il y a des tas d'excellentes épées en dessous de ce poids et une épée trop lourde vous handicapera, même si on peut toujours compenser avec un bon levier et un bon équilibre mais il y a des limites.

Interprétation d'une épée longue du XVe siècle par Fabrice Cognot

Les épées et sabres à une main

L'équilibre des armes à une main sera d'autant plus important que l'arme est longue. On pourrait presque faire deux catégories : les armes courtes (lame de moins de 70 cm) et les plus longues. Plus l'arme est longue, plus il est indispensable qu'elle soit équilibrée car, contrairement aux épées longues, vous n'aurez pas d'effet levier pour compenser. C'est moins important avec les sabres courts (type sabre d'abordage) ou les coutelas qui sont aussi plus léger. Car là aussi le poids compte vraiment car vous n'avez toujours que votre bras pour l'arrêter ou pour infléchir la direction pour exécuter une technique. Je dirais arbitrairement d'éviter les armes au-delà d'1,2 kg et de privilégier les plus légères.

Sabre d'abordage de la fin du XVIIIe siècle sur le site Royal Armouries

Les types d'armes disponibles sur le marché

Maintenant que nous avons vu ce qu'on attend des armes, voyons ce que l'on peut trouver, et aussi au regard d'un dernier facteur : le prix !

Les lames triangulaires

J'évacue assez vite le sujet des lames triangulaires. Vous en avez de deux sortes : les lames d'escrime sportive et, plus chères (et un peu plus lourdes), les lames "à la mousquetaire". Ces dernières ont, me suis-je laisser dire, été créées pour ne pas casser lors des coups de taille pour lesquels les lames triangulaires ne sont normalement pas prévues. J'avoue que j'ai surtout vu des gens utiliser des lames sportives et que je n'en ai jamais vu casser en plus de 12 ans de pratique. Mais on me l'a rapporté. Donc si vous donnez vraiment de puissants coups de taille avec votre lame triangulaire (pitiez, j'ai l'image en tête, enlevez-moi ça !) achetez une lame mousquetaire (enfin à votre partenaire du coup).

Les armes à lame triangulaires se trouvent chez vos revendeurs préférés et en fait un peu partout.

Épées de cour fabriquées par Feather smallwords

Les armes d'AMHE

Les armes conçues pour les Arts Martiaux Historiques Européens sont probablement les meilleures que l'on va pouvoir trouver en terme d'équilibre, de maniabilité et de solidité. Je vais parler ici d'armes simulant des armes ancienne et non des simulateurs d'armes sportives d'époque : les "feder" qui ont une forme spécifique et qui donneront mal le change en spectacle... sauf pour simuler un entraînement ou une Fechtschule. 

Ces épées ont malgré tout plusieurs défauts dont le premier est la façon dont elles sont encore largement neutralisées. Le plus souvent le bout de la lame est replié sur lui-même en une sorte d'arrondi. C'est très sécurisant mais aussi très moche et ça nuit à la crédibilité de l'arme. Heureusement arrive désormais la pointe "spatulée", beaucoup plus discrète et a priori plus sécuritaire pour la touche, elle devrait donc, à terme, remplacer la pointe repliée. La pointe spatulée de mon épée de côté se voit assez peu. Notons que certains fabricants proposent des options de pointe arrondie ce qui est évidemment l'idéal pour nous (mais si vous voulez aussi faire de l'opposition avec il faudra ajouter un blunt).

Un autre défaut éventuel, plutôt rare cependant, peut être une trop grande flexibilité de la lame. Il est rare que cela soit gênant, mais cela peut vous gêner pour certaines technique comme le Morhau où l'on prend son épée par la lame pour frapper avec la garde, "telle une hache". Éventuellement des lames d'épée conçues pour les combat de la SCA ("Society for Creative Anachronism") pourraient être trop souples au point de gêner leur maniabilité. Les normes de flexibilité des armes SCA imposent des armes plutôt souples mais ce sont surtout des armes américaines qui sont concernées. Notons que l'on peut souvent choisir la flexibilité et donc, pour l'escrime de spectacle, choisissez toujours l'épée la plus rigide.

Un autre défaut des armes d'AMHE est qu'elle ne sont pas toujours très jolies. Même si les escrimeurs aiment avoir de belles épées il privilégient d'abord d'autres point et les armes les moins chères font rarement l'objet d'un effort de décoration. Cela peut être dommage.

Et c'est là qu'on arrive au principal défaut des armes d'AMHE : le prix. Une épée d'AMHE coûte souvent de 1,5 à 3 fois le prix d'une épée de reconstitution historique. On a donc un excellent outil mais il faut y mettre le prix. Cela n'est pas forcément intéressant pour les épées longues parce qu'on en trouve d'excellentes pour moins cher ailleurs mais si vous cherchez une bonne rapière à lame plate ou une bonne épée de côté voire une bonne épée de chevalier à une main (dans les 1 mètre) c'est surtout là qu'il faudra vous tourner. Vous y mettrez le prix mais au moins vous pourrez manier votre arme correctement.

À privilégier pour : rapières à lames plates, épées de côté, épées à une main longues

À éviter pour : rien (mais c'est cher)

Épée de côté "steel generation" de chez Black Fencer

Les armes de reconstitution historique

Il y a en Europe de nombreuses troupes de reconstitution historique et donc un marché pour les équiper en armes. Cela concerne beaucoup le Moyen-Âge (surtout le Haut Moyen-Âge) mais pas seulement. Ces épées sont souvent jolies et présentent souvent un belle diversité de formes dans les gardes, les quillons, les pommeaux voire les lames. Comme les troupes pratiquent le combat les armes sont capables de résister aux chocs et sont neutralisées (pointe arrondies, pas de tranchants). L'équilibre et le poids sont variables, la qualité aussi même si les fabricants d'Europe de l'Est ont en général bonne réputation (je me méfierai plus des Asiatiques ou des Indiens ou Pakistanais même si on peut avoir de bonnes choses chez eux).

En essayant les armes vous trouverez en général votre bonheur : une arme pas trop lourde et plutôt équilibrée. Je vous conseille vraiment d'acheter les armes à un marché d'Histoire, au fabricant, et de ne pas hésiter à en essayer des dizaines (je crois qu'un ami a essayé presque toutes les épées du marché de Compiègne avant de trouver la sienne). Enfin, ceci est surtout valable pour les épée longues, les épées médiévales et beaucoup moins pour les rapières et épées de côté. Je ne crois pas avoir jamais trouvé de rapière ou d'épée de côté vraiment bonne chez ces revendeurs et la différence avec les armes d'AMHE est flagrante tandis que mon épée longue de reconstitution est plus maniable que la plupart des épées longues d'AMHE.

À privilégier pour : épées longues, épées médiévales, sabres, coutelas...

À éviter pour : rapières à lames plates, épées de côté

 
Épée longue en vente chez Armory Marek

Les armes "battle ready"

Dans cette catégorie je range des armes indiquées comme telles sur les sites des revendeurs. Il s'agit d'armes dont je n'ai toujours pas trouvé la finalité mais qui sont présentes en nombre sur ces sites. Contrairement aux armes de décoration elles sont capables d'encaisser des chocs sans casser même si elles sont souvent assez rigide et que leurs lames peuvent marquer. Leur fusée a notamment une âme alors que sur certaines armes de décoration c'est une simple accroche. En revanche elles sont le plus souvent vendues pointues et parfois avec un tranchant un peu plus marqué qu'une arme de reconstitution historique. Néanmoins avec un bon coup de meuleuse ou de lime ce problème est rapidement réglé.

Leur équilibre est souvent assez aléatoire mais il peut tout de même être très correct, notamment pour les sabres courts ou toutes les gammes d'épées assez courtes où, on l'a dit, c'est moins grave. De plus, on trouve certaines armes spécifiques uniquement dans cette catégorie car la gamme d'épées et de sabres est vraiment plus grande que pour les autres types d'armes.

Mais bon, ne nous cachons pas, leur principal avantage est souvent le prix. Parfois en promotion vous trouverez des sabres d'abordage utilisables sous les 100€ et qui "font le travail" la plupart du temps. Pourquoi s'en priver ? Je le privilégierai surtout pour les sabres courts, les coutelas ou les épées "exotiques". J'ai moi-même un petit sabre d'un fabricant indien qui me suit fidèlement depuis des années et dont je suis très content. En revanche évitez absolument tout ce qui se rapproche d'une rapière et j'ai aussi des doutes pour les épées longues.

À privilégier pour : sabres, coutelas, épées exotiques

À éviter pour : rapières à lames plates, épées de côté, épées longues

Kopis grec disponible sur le site Kult of Athena, typiquement une arme difficile à trouver.

 

Sabre du bord du XVIIe-XVIIIe siècle. Il s'agit ici d'une arme "battle ready" déjà modifiée et adaptée par Antik Costume (du coup vous n'avez pas à bricoler)

Les armes impropres

Quelques mots sur les armes à éviter et, en premier lieu les armes de décoration. On les trouve chez les revendeurs mais aussi à pas cher sur les brocantes et autres dépôts-ventes. Elles sont faites pour être accrochées à un mur ou pour parader avec, pas pour se battre. Leur équilibre est souvent infâme et le risque de casse est grand. Évitez-les absolument !

Une dernière catégorie concerne les armes de béhourd. Elle sont forcément solides, elles sont bien sécurisées mais elles sont presque toujours très mal adaptées à notre pratiques. Ces armes sont faites pour frapper fort, le plus fort possible de taille. Elles sont donc lourdes et équilibrées vers l'avant pour plus d'impact mais aussi moins de maniabilité, chose secondaire dans la pratique. La seule exception concerne les armes faites pour la pratique du duel selon le règlement HMB (Historical Medieval Battle). Celui-ci se fait à la touche et donc là les combattants recherchent des armes plus équilibrées, moins lourdes, plus rapides. Mon fauchon est l'une de ces armes mais c'est une exception par rapport au reste des armes de béhourd.

 

***

Voilà donc pour ce guide d'achat qui, je l'espère, vous sera utile. Les armes restent coûteuses et on n'est jamais ravi de se tromper sur un achat. J'ai trop vu d'armes mal fichues, trop lourdes, pas maniables, surtout dans les épées longues ou les rapières à lames plates et, du coup, d'escrimeurs frustrés de ne pas pouvoir faire ce qu'ils auraient voulu et qui "jalousent" votre épée légère et maniable. Prenez le temps de choisir votre épée, surtout dans les cas les plus délicats comme les rapières ou les épées longues. Pour le reste faites vous plaisir en achetant plein de petits sabres pas chers !

vendredi 22 septembre 2023

Quelques armes bon marché pour changer de la rapière

Si vous lisez ce blog depuis longtemps vous devez probablement savoir que je suis assez attaché à la variété des armes en escrime de spectacle. J'aime l'idée de ne pas se cantonne à la sacro-sainte rapière pour varier les plaisirs, apporter de la diversité au spectateur mais aussi ne pas se laisser enfermer dans un seul corpus de techniques.

Mais alors voilà, on va me dire que c'est bien beau tout ça mais que les armes c'est cher et il est vrai qu'après avoir payé 150 à 300€ dans une rapière vous êtes moyennement motivés pour mettre la même somme dans une épée longue, un fauchon, un sabre, une hallebarde etc. Et l'on ne vous donnera pas forcément tort.

Cependant toutes les armes de spectacle n'atteignent pas ces prix et, pour moins de 50€, 100€ maximum et parfois 0€ il est tout à fait possible de se trouver des armes pour varier ses spectacles de combat. Mon but est donc ici de vous proposer une petite sélection.

Nota Bene : J'ai parfois utilisé des images de produits en vente ça et là pour illustrer mon propos. Si, a priori,  je trouve ces produits intéressants je précise que je n'ai reçu aucune rémunération ou don en nature ou quoi que ce soit de la part des vendeurs ou des fabricants.

Photo of money, glass, coins and vintage par Josh Appel (@joshappel)
 

 La famille des bâtons

Les bâtons sont rarement des armes onéreuses puisqu'elles sont faites en bois et demandent peu d'usinage. Cependant il convient de les distinguer selon leur longueur et leur épaisseur. Notez en revanche qu'au niveau de la sécurité il faudra redoubler d'attention car ce n'est pas un simulateur ou une arme neutralisée que vous utilisez mais l'arme elle-même.

Le grand bâton

Prix : entre 5 et 20€

Périodes historiques : toutes

On regroupera ici tous les bâtons qui dépassent 1m50 et peuvent légèrement dépasser les 2m. Il s'agit traditionnellement de bâtons de marche mais cela peut également être un simulateur de lance pour l'entraînement. Pour qu'ils soient un peu crédible c'est mieux qu'ils soient un peu longs et un peu épais, sinon ils ressemblent trop à des accessoires sportifs ce qui limitera les personnages. À titre personnel je déconseille donc le bâton fédéral trop court et trop fin. Allez plutôt regarder vers les magasins d'art martiaux ou, tout simplement, les manches à balais !

On trouve énormément de techniques de bâton, tant dans l'escrime médiévale que dans le quarterstaff anglais, le bâton à deux bouts ou le bâton français et tout un panel de styles régionaux. Bref, vous avez le choix, prenez celui qui vous plait, que vous avez l'occasion d'apprendre ou qui convient le mieux à vos personnages !

Et allez voir mon article sur les personnages !

Bâton "traditionnel" en vente sur le site dragonsport

Le grand gourdin

Prix : 0€ (mais de la motivation)

Époques : toutes mais les techniques connues sont du XVIe siècle

Le grand gourdin est juste une grosse branche ou un petit tronc assez long (1m10 à 1m60 disons) qu'on manie à deux mains avec des techniques pas si grossières ayant beaucoup de parenté avec l'épée longue et un peu avec la hache de pas. C'est une arme qui impressionne même si elle demande un peu de force physique pour la personne qui la manie. Elle est idéale pour jour un combattant de style "brute".

Allez voir mon article détaillé sur le grand gourdin.

Le gourdin de paysan selon Paulus Hector Mair (années 1540)

La canne de défense

Prix : 5 à 100€

Époques : Essentiellement le 19e siècle en mordant avant et après

La canne devient très portée à partir du début du 19ème siècle, probablement en compensation de l'interdiction de porter l'épée. Si ce sont les hommes de la bourgeoisie et de la noblesse qui la porte de plus, elle l'est aussi par les gens du peuple, les paysans et les femmes. On trouve énormément de techniques de canne de défense dans les arts martiaux français. Là encore, tournez-vous plutôt vers les techniques du XIXème siècle (ou de début du XXème) plutôt que vers la canne de combat "moderne" avec ses grands armés inutiles. Cela sera d'ailleurs plus facile à apprendre. De même, utilisez plutôt des cannes de marche ou d'apparat (si vous n'avez pas peur de les abîmer) plutôt que les cannes de combat fédérales qui n'évoquent aucun personnages. Allez dans les brocantes, les dépôts-vente, les recycleries, vous y trouverez probablement votre bonheur à pas cher et, du coup, tant pis si ça finit par casser !

On ne trouve pas ce genre de coups en canne de combat !
E André Comment se défendre dans la rue avec armes - 1905

Les matraques et autres petits bâtons

Prix : 0 à 30€

Époques : toutes mais avec une préférence pour le XIXème siècle

Outils idéaux pour un tabassage en règle, les bâtons courts sont les outils des voyous, mais aussi des valets ou des paysans mécontents pour se faire respecter. Ça fait mal mais pas trop, ça peut tuer mais sous l'Ancien régime vous pourrez toujours plaider l'absence de préméditation si cela arrive. Sous sa forme plus spécifique de matraque elle est l'arme du policier ou du gangster des rues. On trouve peu d'ouvrages décrivant son maniement, au mieux un paragraphe par ci par là dans un trait de défense personnelle. On va souvent l'associer à du corps à corps de par sa courte taille et on va souvent frapper un adversaire que l'on maîtrise déjà en partie. Les versions les moins courtes peuvent être maniées avec des techniques inspirées du dussack ou du sabre d'abordage, toujours en n'hésitant pas à aller au contact.

Casse-têtes des Apaches de Paris d'après le site Gang de Paris

Les armes en métal pas chères

Il existe également des armes en métal, souvent de petite taille que l'on peut trouver à des prix abordables même si c'est souvent un peu plus cher qu'un bâton. Elles peuvent constituer une bonne alternative à des armes plus onéreuses, elles permettent même parfois des techniques complexes. Pensez-y pour compléter votre armurerie !

Les dagues et poignards

Prix : 30 à 100€

Époques : Moyen-Âge et Renaissance 

J'appelle ici "dagues", les armes médiévales et du XVIe siècle destinées à frapper prioritairement de pointe, ce qui implique un certain nombre de techniques. Il s'agit d'une arme secondaire sur le champ de bataille mais qui est couramment portée au quotidien durant les époques concernées. On trouve un panel de techniques très variées mêlant souvent des pièces de lutte. J'en ai longuement parlé dans cet article, je vous invite donc à vous y référer. Au niveau des prix du marché c'est un peu plus cher que le reste mais souvent très abordable. Un petit conseil : ne vous embêtez pas chercher des dagues spécifiquement conçues pour notre pratique : la lame est courte ce qui minimise les risques de bris d'autant qu'il y a assez peu de contacts de lame. En revanche vous pourriez être amenés à meuler la pointe de certaines dagues (faites-le vraiment, sinon vous allez vous la planter dans le bras !).

dague de la marque Mytholon (avec la pointe à meuler)
en vente sur de nombreux sites
 

Les couteaux

Prix : 30 à 100€

Époques : plutôt XIXème et XXème siècle

À la différence de la dague le couteau ne possède pas d'arrêt pour la main qui fait que l'on peut facilement se blesser en frappant de la pointe (les doigts risquent de glisser sur la lame). Le couteau est donc une arme avec laquelle on va souvent tenter de lacérer l'adversaire plutôt que de lui enfoncer la lame dans le corps de toutes ses forces même si cela reste possible (mais cela suppose souvent d'appuyer avec son autre main sur l'arrière du manche). La plupart des blessures ne sont donc pas mortelles et ce n'est d'ailleurs pas forcément l'objectif. En revanche il est quasiment impossible de sortir d'un combat au couteau sans être blessé ce qui en fait une arme très sanglante. On trouve quelques traités de self-défense mentionnant cette arme mais le plus souvent il s'agit de traditions locales avec des objectifs plus ou moins mortelle.

Évidemment c'est presque un cliché d'apprendre qu'il existe une tradition de couteau sicilien
mais voilà quelques techniques bien mortelles.

Les hachettes

Prix : 50 à 100€

Époques : toutes ou presque

La hache est un outil qui existe depuis le Néolithique et qui est largement répandu. Même si il a existé des haches spécifiquement conçues pour le combat, les outils sont restés très efficaces pour tuer des gens, fendant facilement un crâne. On trouve ainsi des hachettes à toutes époques. Chez un viking il peut même s'agir de l'une de ses armes principales, mais elle équipera aussi bien un paysan, un artisan ou un marin. On la maniera avec des techniques issues du dussack ou du sabre en ne gardant que les plus simples. Oubliez les fioritures, les feintes etc. Non, ne gardez que les trajectoires de base et ça ira bien. Dans un contexte américain vous pouvez évidemment ressortir des techniques de tomahawk. Vous trouverez parfois, souvent sur des marchés historique, des hachettes toutes simples, non affûtées, qui feront très bien l'affaire pour plusieurs époques. Prenez garde à ce qu'elles ne soient pas trop lourdes pour rester facilement maîtrisables et affûtez vos personnages !

Combat entre Barthold Entes et Agulo à Vlissingen, 1572, Theodoor Koning, d'après Jacobus Buys, 1780 dans les collections du Rijksmuseum d'Amsterdam

Les lances

Prix : 50 à 150€

Époques : Jusqu'au XVIIIe siècle

La lance est une arme immémoriale qui a équipé toutes les armées du monde jusqu'au XVIIIe siècle sous diverses formes. On va ici plutôt parler de sa forme courte, aux alentour des 2 mètres de long qu' on appelle "javeline" à la fin du Moyen-Âge(même si elle ne se lance pas). Elle se manie le plus souvent avec les mêmes techniques que le bâton et on trouve donc un très riche corpus technique, notamment aux XVème-XVIème siècles. C'est d'abord une arme de soldat, de milicien, de guerrier. Mais comme elle est facile à fabriquer on la verra aussi dans les mains de paysans révoltés ou de miliciens levés en masse jusqu'aux Sans-Culottes de la Révolution française. Au niveau des prix actuels on est dans la limite haute mais si vous achetez le fer de lance et la hampe à part vous pouvez l'avoir pour un prix raisonnable.

fer de lance en vente chez Armory Marek

Les armes improvisées

Outre les armes proprement dites, de nombreux objets du quotidien peuvent servir d'arme et des techniques, parfois élaborées, ont même été développées pour certains d'entre eux.

Le parapluie

Prix : à partir de 30€

Époques : essentiellement XIXème et XXème siècles

J'ai longuement parlé du parapluie dans un article précédent, je vous y renvoie donc là encore. Sachez néanmoins que, selon SuperFab, Roger Lafond avait la plus grande considération pour cette arme. Elle s'intégrera bien à des scénarios de bagarres urbaines.

Roger Lafond dans l'émission Coucou c'est nous ! en 1993 explique le parapluie.

Le balai

Prix : 5 à 35€ 

Époques : Toutes mais peut-être relativement récentes

Là encore j'ai consacré un article à cette arme et je vous invite à le lire. Le balai est vraiment peu onéreux mais achetez-en quand même un spécialement pour l'occasion afin d'éviter d'enfouir le nez de votre partenaire dans une tonne de poussière ! Au vu du prix je pense que vous pouvez vous le permettre. En dehors de ça il vous sera la touche comique de votre armurerie.

Balais d'extérieur en vente sur le site go to shopping

Les autres armes improvisées

Prix : pas cher

Époques : ça dépend

Beaucoup d'objets du quotidien peuvent servir d'arme : cruchons, bouteilles en sucre pour imiter le verre mais aussi les plateaux en métal qui font un bruit formidable quand on fait semblant de frapper une tête avec (avec le bon angle vous frapperez la main que votre partenaire interposera au dernier moment et, si il vend bien le coup, l'effet sur le public est assuré ! Certains se sont même battus avec des queues de billard. En fait la seule limite est votre imagination et votre capacité à rester en sécurité dans votre emploi des objets du quotidien. Soyez donc imaginatifs et imaginatives !
 
Les Bretteurs de Saint-Jean avec des queues de billard en répétition au gala Le chant des lames à Bourges - 1er juillet 2023

 
***

J'espère vous avoir démontré ici qu'il n'était pas forcément besoin d 'être très riche pour diversifier sa pratique d'escrime de spectacle. Les armes bon marché ne manquent pas et vous pouvez assez facilement en acquérir deux ou trois pour vous constituer une petite panoplie. N'hésitez pas non plus à faire fonctionner votre imagination pour vous battre avec tout et n'importe quoi (je sais qu'une surprise se prépare peut-être pour le prochain Koreo mais je n'en dirai pas plus).
Enfin je n'ai pas évoqué les techniques un peu hors sujet que sont la lutte et les techniques de combat à mains nues mais il s'agit aussi là d'une alternative ou, tout au moins d'un complément même si on touche là aux limites de la définition de l'escrime.

lundi 28 août 2023

Ne ratez pas votre premier coup ! (vidéo)

Et non, avec le Baron de Sigognac nous n'avons pas fini de chercher les erreurs qui amollissent vos combats, les rendent moins dynamiques, moins vivants (sans même parler de réalisme). Et réjouissez-vous, nous avons identifié une nouvelle erreur dont on vous parle rarement, ou du moins pas explicitement* ! Votre joie sera (du moins nous l'espérons) encore plus grande lorsque vous apprendrez que nous avons eu l'occasion de nous rencontrer pour croiser le fer et surtout vous tourner une petite vidéo démonstrative devant les ruines d'un vieux pont romain.

Nous vous parlerons donc ici d'attaquer en mouvement et du dynamisme que cela apporte à votre premier coup. Vous trouverez la vidéo complète en fin d'article.

Nota Bene : Cette vidéo n'est pas exempte de défauts. Elle at été tournée en 2 heures, création des mini-chorégraphies comprise. Ainsi le choix de la garde du taureau au dussack pour donner une attaque de taille n'était probablement pas le meilleur mais c'est tourné comme ça. De même nous avons fait avec les armes disponibles (celles du Baron) et donc vous verrez des techniques d'épée de cour avec une rapière à lame triangulaire mais on espère que vous nous pardonnerez.

Le problème de commencer à distance d'attaque

Généralement c'est ce qu'on vous propose, presque tous les entraînements ou démonstrations se font à distance d'attaque. Distance d'estoc, distance de taille, nous n'entrerons pas ici dans les détails ce que nous critiquons ici c'est le fait de se placer à l'une de ces distances d'attaque et de généralement y stationner quelques secondes avant de lancer sa première attaque.
Alors oui, cela reste intéressant pour les escrimeurs débutants ou de peu d'expérience qui ont ça de moins à gérer. Mais en dehors de ceux-ci c'est dommage de la part de toutes celles et ceux qui, plus expérimentés, connaissent bien leur distance d'attaque.
Tout d'abord ce placement n'est pas toujours facile et on peut avoir tendance à faire de petits pas très visibles et plutôt moches puisqu'ils sont ensuite marqués d'un arrêt (et d'une attaque 1 ou 2 secondes après). C'est plus vrai pour les moins expérimentés, les bon escrimeurs sont en général capables de mieux se placer.
Ajoutons que se parler ou se menacer directement à distance d'attaque n'est pas très réaliste, toutes les personnes ayant une expérience du combat en opposition doivent d'ailleurs le ressentir : vous n'aimez pas rester dans une distance où vous pouvez vous faire attaquer à tout moment. Généralement vous préférez être un peu plus loin, moins en danger, pour avoir le temps de réfléchir à une stratégie.
Vous me direz que vous ne cherchez pas le réalisme (tout le monde se cache derrière ça), admettons, mais cela ne vous enlèvera pas un défaut majeur du fait de commencer à distance d'attaque : votre premier coup manque de dynamisme ! Et oui, vous étiez statique ou presque et vous amorcez soudain un mouvement. Il faut vraiment beaucoup d'énergie pour rendre ça crédible. Vous n'êtes pas en action, vous n'êtes pas dans l'énergie comme on dit, vous amorcez juste le mouvement et ce démarrage est rarement aussi vif que quand vous êtes déjà lancé
 
 

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Commencer à distance de marche-fente

La solution est, vous l'avez compris, d'amorcer le mouvement plus tôt et pour cela il faut que vous soyez plus loin. Vous pouvez donc commencer à distance de marche-fente, ou de passe-avant-fente, ou de passe ou marche ou ce que vous voulez - attaque pour les armes où on ne se fend pas (typiquement toutes les armes médiévales). L'idée est de faire un mouvement pour se mettre à distance d'attaque et d'attaquer dans le même mouvement, de taille ou d'estoc. 

Comme vous attaquez de plus loin vous devez donc, pour rendre l'attaque crédible, exploser rapidement sur votre mouvement. Ainsi, au moment de lancer l'attaque vous êtes déjà en mouvement, l'énergie est "activée" et votre attaque a plus de dynamisme. Le public pourra sentir la différence. Évidemment pour faire cela il faut à peu près maîtriser votre distance d'attaque pour bien vous placer à l'origine. Néanmoins vous pouvez tout à fait vous corriger en faisant un pas plus ou moins important. La taille du déplacement permet aussi d'attaquer tout aussi bien d'estoc (petit déplacement) que de taille (plus grand déplacement car la distance de taille est moins importante).

D'un point de vue du réalisme, mais aussi du récit du combat, c'est plus logique : vous être hors de distance de danger et l'attaquant n'y rentre que quand il a pris la décision d'agir. Ainsi le hors distance permet de marquer les pauses entre les phrases d'armes, celles où l'on récupère, ou l'on s'observe, mais aussi celles ou la tension du combat peut monter en puissance si l'on se débrouille bien. Et tout ce qui se passe à distance c'est le combat et un combattant refusant de reculer hors distance ou de laisser l'adversaire le faire raconte sa hargne, sa volonté de s'accrocher au combat.

 

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Commencer le combat hors de la distance de mise en garde

Nous avons donc ici deux distances : la distance de combat où le danger d'une attaque est constant et le hors distance où on a un peu plus le temps de voir une attaque arriver. On y est en danger mais moins. Ajoutons donc une troisième distance : le hors garde.

Il s'agit de la distance où vous êtes trop loin pour que l'adversaire puisse vous attaquer, même avec une vélocité extraordinaire. À cette distance, vous n'avez pas besoin d'être prêt immédiatement à recevoir une attaque et vous n'êtes donc pas obligé d'être en garde ni même de porter une arme à la main. C'est la distance où vous pouvez discuter, vomir votre haine de l'adversaire, vous moquer de lui, le provoquer, vous confondre en excuses... jouer la comédie quoi ! Elle est importante au début du combat mais également pour l'histoire si vous avez des trucs à vous dire, cela sera souvent mieux sans être en garde !

C'est également un code pour le public : à une certaine distance vous n'êtes pas en garde voire vous n'avez pas dégainé votre arme et lorsque vous arrivez à une certaine distance vous vous mettez en garde, la tension monte d'un cran. De même si vous reprenez de la distance, abaissez votre arme, la tension retombe un peu, vous permettant de jouer avec cela.

 

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Se tourner autour et se provoquer

Enfin, pour rajouter encore plus de dynamisme et de réalisme on peut ne pas juste se contenter d'avancer en ligne droite mais vouloir contourner, casser la distance autrement, se provoquer, rentrer dans la distance, en ressortir, menacer, réagir etc.  La Maître d'Armes Florence Leguy en parlant de cette phase évoque l'idée de deux lions qui se tournent autour, se provoquent, cherche à intimider l'autre avant le combat. Les récits de rixes nous montrent aussi ça, cette phase où l'on se cherche, où la pression monte, où l'on se met en condition avant le déclenchement du combat par la première attaque.

Tout cela fait un début de combat plus crédible mais aussi cela permet déjà de poser les personnages que nous verrons dans le combat. On joue ainsi avec son corps : qui provoque, qui réagit, ou ne réagit pas: cela donne un indice sur les compétences, le caractère des protagonistes. Et surtout cela permet de faire monter en tension le spectateur qui ne sera délivrée de celle-ci que par le déclenchement d'un attaque. Là encore on peut en profiter pour jouer avec lui.

 

 Notre vidéo d'illustration

 ***

Nous nous arrêterons là pour aujourd'hui mais sachez qu'on peut évidemment varier encore plus le premier coup. Nous n'avons pas évoqué les contre-attaques (ou attaques sur la préparation) qui font que c'est finalement celui qui avance qui subit l'attaque, ni tout le travail au fer qui peut précéder une attaque, pas plus que les attaques composées et autres feintes. Toutes donnent de la vie au premier coup et évite ces débuts un peu mous qu'on voit trop souvent. Cela sera probablement l'objet principal ou secondaire d'autres articles ou vidéos. D'ailleurs nous avons tourné une seconde vidéo le même jour, donc wait and see....

*Alors nous ne prétendons pas que personne ne fait jamais ça. À vrai dire dans le haut niveau les gens le font plus ou moins naturellement. Ce que nous disons c'est que, ni moi ni le Baron, n'avons entendu cette histoire  d'attaque en mouvement théorisée ou juste expliquée dans un stage ou une formation. Personne n'en parle même si ça devient instinctif. Quand aux distances plus longue dont nous parlons après, nous ne l'avons entendu théorisé que dans la bouche de Florence Leguy à qui nous devons d'ailleurs beaucoup pour avoir été capables de penser cet article.

 

La vidéo complète

 

mercredi 19 juillet 2023

Profils et archétypes, l'art d'associer vite à ses personnages une escrime adaptée à leur personnalité.

Bonjour à tous, ici le Baron de Sigognac pour vous desservir. 


Je souhaitais aujourd'hui revenir une nouvelle fois sur les archétypes de notre bon Capitaine : Les neuf types de combattants : ma typologie révisée et rationalisée.

Ha ! Au passage, je n'ai rien contre le fait de répondre à vos interrogations, ni même d'écouter vos objections. Au contraire, apprenons ensemble et progressons. Cependant, si le Capitaine et moi mettons parfois des liens dans nos publications c'est pour que vous sachiez de quoi nous parlons. 

Si vous faites l'impasse, ce n'est pas grave, nous y arriverons, mais admettez que ce sera plus long. Bref précision faite, passons.


Cyrano de Bergerac avec l'acteur Gérard Depardieu, 1990

Introduction.


Je désirais donc revenir sur cette notion. Non pas pour la développer mais l'associer, cette fois, à une autre classification que j'aime utiliser. 

En effet, les archétypes ont pour eux l'efficacité, lorsque nous sommes appelés à créer, de visualiser assez vite les mentalités et niveaux de ceux que nous pouvons être amenés à jouer. Il y a ce côté RPG, plaisant à mes yeux, qui nous aide à imaginer et décider. 

En revanche, cela peut devenir assez flou quand il s'agit de déterminer si notre personnage va plutôt attaquer, défendre, contrer etc... 

A) Les archétypes, un outil idéal pour établir une mentalité, mais peu adapté pour définir une escrime adaptée à leur personnalité.

Par exemple : est-ce que l'athlète est un expert destiné à contre-attaquer ?

Par athlète, je reprécise que je parle de celui de la classification du Capitaine, dont le lien est juste au-dessus, et non d'un athlète réel. Vous pouvez appliquer ce même raisonnement pour le vieux briscard qui n'est pas vieux, mais bien un personnage  expérimenté qui a appris à combattre sur le tas sans être forcément âgé. Nous pouvons être un vieux briscard avant trente ans, m'voyez. Bon, si c'est déjà trop âgé pour vous, là je ne peux plus aider. 

Bref, le doit-il ? Est ce cohérent avec sa personnalité ? Doit-il au contraire attaquer, défendre…  

Les archétypes nous laissent quelques pistes, mais avouons que cet aspect n'est pas leur tasse de thé. Je dirais même que c'est plus notre expérience qui va nous aider à trouver les techniques et tactiques appropriées. Ce qui peut ne pas fonctionner et nous amener à nous questionner sur des outils et notions supplémentaires pour mieux  comprendre ce que nous pouvons créer. Sans y passer la matinée. 

Alors, ce sera étrange pour certains, mais ces interrogations peuvent trouver des réponses dans l'escrime olympique. Et plus précisément l'épée. 
Je conviens que des éléments peuvent surement se dénicher ailleurs, mais en effet, ceux que je vais citer proviennent tous du même livre : L'Esprit de l'Épée, de son titre complet L'Esprit de l'Épée, une approche tactique et mentale


C'est lui. Est-ce que je vous conseille de vous le procurer ? OUI !


B) L'Esprit de l'Épée et les profils élémentaires, une catégorisation des escrimeurs en quatre profils pouvant être vus comme des déclinaisons de leurs personnalités. 

Que contient-il ?

1) L'Esprit de l'Épée et ses profils élémentaires.


Écrit par les Maîtres Rémy Delhomme, Jean-François Di Martino et Frédéric Carre, édité en 2016 par les éditions Amphora, approuvé par la FFE, l'ouvrage se destine aux épéistes à l'aide d'une approche, je cite son quatrième de couverture, "complètement novatrice qui va bouleverser les codes et les écrits de référence où l'enseignement est centré uniquement sur la technique."

Dans sa préface, le Maître Michel Sicard va un peu plus loin : "Donner du sens à la pratique de l'épée est la force de ce livre. Les auteurs ont pris le parti de problématiser des situations de combat plutôt que de s'adosser aux apprentissages techniques qui donnent des réponses à des problèmes non encore posés."

Voilà pour les intentions, en ce qui concerne le programme, selon une nouvelle fois le quatrième de couverture : "À travers les notions de distances, de préparations, de pièges et d'une définition révolutionnaire des "profils de jeu", ils vous livrent une conception résolument moderne de l'épée."

Je vous laisse juges des qualités exprimées, mais ces notions sont effectivement traitées, notamment celle des profils de jeu qui va particulièrement nous intéresser. 

Renommés profils élémentaires (de l'épéiste) par les auteurs, ils sont définis au nombre de quatre : conquérant, blindeur, presseur, contreur.

À la base de ce raisonnement, l'ouvrage part du principe qu'initialement les épéistes peuvent se diviser en deux catégories : attaquants et défenseurs, mais aussi comme ouvreurs et fermeurs.

Dans le détail, les attaquants sont ceux qui prennent les décisions d'attaques tandis que les défenseurs s'occupent de leur défense. Dans le même style, les ouvreurs seront les escrimeurs qui "prennent l'initiative de rentrer dans la distance" alors que les fermeurs décident, au contraire d'inciter "l'adversaire à rentrer dans la distance en refusant de faire le premier pas". 

Ainsi, chacun se voit attribuer deux critères en fonction de son style : attaquant ou défenseur puis, ouvreur ou fermeur. C'est cette association qui constitue, selon les auteurs, ces quatre profils élémentaires nous donnant : 

Le blindeur : défenseur fermeur. 

Le conquérant : attaquant ouvreur.

Le presseur : défenseur ouvreur.

Le contreur : attaquant fermeur. 

Bon, c'est peut-être encore un peu abscons. Donc, je vais essayer de vulgariser pour que nous puissions continuer. 

Lui, par exemple, il n'avait pas tout compris. Cyrano de Bergerac toujours avec Gérard Depardieu,1990

2) Quelques remarques pour la compréhension. 


Déjà, vous avez pu remarquer que les notions d'attaquant et défenseur s'avèrent plus précises que la nôtre. L'attaquant pour l'ouvrage c'est celui qui décide de son attaque et non celui qui exécute une offensive en avançant. Tout comme le défenseur est celui qui décide de sa défense.
En réalité, ce que nous appelons par habitude attaquant et défenseur, correspondrait plus à ce que L'Esprit de l'Épée nomme conquérant et blindeur. 
En effet, notre attaquant rentre dans la distance et décide de l'attaque. Je vous passe les actions de pieds fermes. Vous avouerez qu'en escrime de scène nous visualisons en priorité nos offensives et défensives en déplacements. De fait, c'est un ouvreur qui décide d'attaquer. Un conquérant par conséquent. 

Pour le défenseur c'est son opposé. Il refuse de rentrer dans la distance, prépare sa défense : un blindeur à ne pas en douter.

Ainsi, quand vous voyez un escrimeur aller de l'avant et enchaîner des offensives, c'est un conquérant, simple. S'il recule et passe d'une parade à l'autre, c'est un blindeur, basique. Bon, peut-être un blindeur un peu mauvais parce qu'il oublie de riposter.

Le presseur comme le conquérant avance, rentre en premier dans la distance. Toutefois, à la différence du conquérant, il va attendre que ce soit l'autre qui décide d'attaquer. Pour ne pas dire qu'il va chercher à l'y pousser. Son objectif sera d'en profiter pour contre-attaquer, riposter ou faire tomber dans le vide pour ensuite attaquer. Il ouvre, semble avancer pour attaquer, mais cherche à défendre en vérité. 

Au contraire, le contreur décide de l'attaque, mais laisse son adversaire venir. Son objectif est normalement de sanctionner une erreur de préparation de main et / ou de jambe. Les contre-offensives, contre-attaque au fer, prises de fer… sont ses armes privilégiées. 

Enfin, vu que nous sommes habitués par notre pratique à voir un escrime de scène qui avance et un autre qui recule. Nous pouvons schématiser ainsi : celui qui recule plus facilement un contreur et / ou un blindeur, alors que celui qui avance sera plus dans le presseur et le conquérant. 

C'est plus complexe que ça, vous vous en doutez, mais c'est bien pour commencer. 

3) Un profil principal propre à chaque escrimeur et pouvant être vu comme découlant de leur personnalité. 

Pour les auteurs, chaque escrimeur disposerait d'un profil principal et, dès un certain niveau, d'un secondaire. Au moins. 

Cependant, ce qui va le plus nous intéresser c'est que le livre souligne que ces profils principaux peuvent être vu comme une déclinaison de la personnalité du tireur. 

Alors certes, dans une note de bas de page les auteurs reconnaissent qu'ils n'apporteront pas la démonstration de cette affirmation, ni une analogie étayée autour de profils psychologiques. Analogie qu'ils trouveraient de toutes façons imparfaites en l'absence d'études complémentaires. Cependant, ils la trouvent suffisamment juste pour l'utiliser, sûrement en lien avec ce qu'ils ont pu observer pendant des années. Prenez le donc, comme une vision empirique avec tous les défauts que cela peut comporter. 

Pour ma part, je partirai du postulat qu'ils ne se sont pas trompés. 

Et vous l'aurez deviné, de ce fait, nous avons la clé qui nous manquait. 


Et voilà, c'est plié ! On peut y aller ? Cyrano de Bergerac, Depardieu, vous savez.


C) Archétypes et profils, une combinaison pouvant associer des personnages à une escrime adaptée à leurs personnalités. 

Revenons à nos archétypes. Chacun possède sa mentalité. Terme que nous pouvons facilement remplacer par personnalité. De son côté, L'Esprit de l'Épée souligne qu'un escrimeur dispose d'un profil principal qui peut se voir comme découlant de sa personnalité. 

Dès lors, l'association de ces deux notions semble parfaite pour associer rapidement nos  archétypes, dont leurs personnages, avec une escrime conforme à leur personnalité.  Ce que les archétypes, seul, n'arrivait pas à déterminer nous forçant à investir un certain temps. Quelque soit notre expérience. 

Certes, j'en vois déjà hurler que L'Esprit de l'Épée ne parle que d'épée et que nous ne pouvons donc pas l'exploiter. Imaginez un peu ! Utiliser des profils élémentaires d'épéistes olympique alors que nous mettons sur pied de l'escrime médiévale chorégraphiée. Pourquoi pas nous demander de pratiquer de l'escrime olympique pendant qu'on y est. 

Alors d'une part, je préciserai que les derniers à m'avoir fait réellement évoluer sur ma pratique de l'escrime de scène étaient des Maîtres d'Armes sportifs qui ne parlaient que d'escrime sportive. Faites en ce que vous voulez. D'autres part, la notion de profil élémentaire est d'une utilité qui dépasse largement, à mes yeux, le simple cadre de l'épée olympique. Nous pouvons parfaitement l'exploiter pour d'autres activités. C'est mon idée. Vous pouvez ne pas y adhérer, mais soyez conscient que tout ce que je vais développer derrière partira de cette idée : les profils élémentaires peuvent s'utiliser en escrime chorégraphiée.

Donc nous avons nos archétypes. Par simplicité nous allons les cantonner à nos trois experts : l'artiste, le vieux briscard et l'athlète. Nous avons aussi nos profils : blindeur, conquérant, presseur et contreur. Il convient maintenant de les combiner et de voir les couples archétypes-profils que nous pouvons valider. L'objectif étant pour chaque personnage de déterminer quelles catégories d'escrimeurs lui conviennent.

Et puisqu'il nous faut un premier, commençons par l'athlète, ce conquérant né. 


KAWAII DESU NE ! Hum ! Je m'égare... navré.


I L'athlète, un conquérant né, doué pour oppresser. 


Selon sa définition, "si le bagage technique de l'athlète est relativement basique, il compense cela par un engagement hors normes. Notons qu'enchaîner des attaques ou riposter rapidement suppose néanmoins une certaine maîtrise de son armes et de ses déplacements, on n'a donc pas affaire là à un personnage totalement ignorant de toutes techniques, mais il met d'abord l'accent sur le physique. L'athlète est donc plutôt jeune pour être capable de soutenir une telle intensité physique. Il peut donc s'agir d'une jeune héros ou d'une jeune héroïne, d'un compagnon. Si c'est un ennemi il est peu probable que cela soit le méchant principal mais cela sera plutôt son âme damnée (Dark Maul dans Star Wars par exemple).

Il fait assez peu d'attaques compliquées mais il pose problème par sa mobilité, la rapidité de ses gestes et la puissance de ses attaques. Néanmoins ses parades et ses attaques sont moins amples que celles de la Brute et il est plus à même d'enchaîner rapidement les attaques ou de riposter très vite après une parade ou une esquive. C'est d'ailleurs le personnage idéal pour placer des esquives, même un peu irréalistes."


Une description assez large, mais qui va nous permettre de focaliser notre personnage autour d'un profil type : le conquérant.

A) profil attendu : conquérant.


L'athlète en est-il un ?
Sa volonté d'imposer et de jouer de son physique le place d'emblée comme un ouvreur. Et attendu que la technique, bien qu'acceptable, n'est pas son point fort, nous pouvons considérer qu'il décidera en plus d'attaquer. Un conquérant né. 

Cependant, c'est plus par sa vitesse, son explosivité et la qualité de ses jambes qu'il montrera ses capacités. 
Je vous conseille de ce fait, d'user d'actions aux fers, de corps à corps et de toutes autres possibilités mettront en valeur sa supériorité physique lorsque vous le construisez. Certes, cela reste un expert, capable de s'escrimer, mais prenez garde de ne pas lui attribuer des actions trop complexes à réaliser. Genre une attaque composée intégrant plusieurs feintes. 

Enfin, ça, c'est si le partenaire ne joue pas un adversaire forçant l'athlète à s'adapter. 

Illustration d'une technique tirée du Livre d'escrime de Talhoffer, 1467 qu'un athlète pourrait utiliser.

B) profil secondaire, le presseur, mise en difficulté, contreur et blindeur.


Après tout nous serions vite tenté de mettre en face son opposé, un blindeur déterminé.  Pour de l'escrime de scène c'est assez téléphoné : un qui avance, un qui recule, un qui attaque comment veux tu que je ...

Cependant, rien n'y oblige. Surtout que cela devient vite un peu chiant.: Faites plus que défendre lorsque vous rompez !

En revanche, proposer des adversaires capables eux aussi d'aller l'avant ou de prendre l'initiative est tout à fait possible ; souhaitable. Après tout, nous simulons un combat, il est donc normal que les profils tactiques puissent, tout comme les archétypes et les techniques, rentrer en conflit.


Trois adaptations s'en dégagent : 

1. Les deux veulent conquérir soit une attaque simultanée. C'est très intéressant pour rentrer en jeu court, montrer que l'un des deux doit céder et se retrouve en difficulté. Par contre, c'est complexe à réaliser sur scène et je ne vous invite pas à le tenter sans être correctement formés. 

2. L'athlète agit comme un presseur. Il ouvre toujours, mais prend le parti de décider de sa défense. Ou, surpris, transforme sa décision offensive en action défensive. 

3. L'athlète agit comme un contreur. Il veut toujours rentrer dans la distance, mais malheureusement c'est son adversaire qui est le plus rapide. Cependant, il reste celui qui décide d'attaquer à l'aide cette fois de contre offensive, contre attaque au fer ... nous en avions déjà parlé. 
Toutefois, comme nous voyons l'athlète davantage comme un ouvreur, un oppresseur, prêt à tout pour grappiller du terrain, cette situation lui est plus inconfortable. Ce qui peut nous servir à montrer que le personnage est en difficulté. 

C'est encore pire si vous le faites blinder. Là c'est clair, notre athlète est complètement dépassé. Donc, mis à part pour le dévaloriser, ne le faites pas blinder ! JAMAIS ! KEIN BLINDER ! 

Pour résumer : vous pouvez faire osciller l'athlète entre conquérant et presseur. Pour plus d'effet, je vous conseillerai de privilégier celui de conquérant, son principal. Toutefois, dès que vous voulez le mettre en difficulté, le faire jouer contreur ou pire blindeur sera parfait. Surtout blindeur.


Une autre technique du Livre d'escrime de Talhoffer, 1467.

 
Passons désormais à mon préféré, le vieux briscard et ses fourberies préférées. 

II Le vieux briscard, contreur-presseur.

En premier, rappelons que c'est "un combattant expérimenté. Il a connu de nombreux combats et a su y survivre. Il a pu avoir ou non une formation académique mais, si c'est le cas, il a dépassé celle-ci pour y inclure tous les moyens de vaincre. Les vieux briscards sont rarement jeunes et leur expérience doit pouvoir se voir (avec éventuellement des cicatrices ou des vêtements ayant connus de meilleurs jours). Ils font de bons méchants mais également de bons compagnons du héros voire des héros plus sombres.

Ce personnage ne se refuse aucune ruse ou aucune technique, qu'elle soit ou non orthodoxe. Il peut mélanger plusieurs styles d'escrime et/ou les agrémenter de touches personnelles. Il n'aura aucun scrupule à attaquer en groupe voire à laisser ses sbires faire le sale travail. Néanmoins, se sachant très bon combattant, il peut aussi être arrogant et accepter un combat déséquilibré car il est sûr de sa valeur et sait comment gérer ce genre de situation. Malgré cela, si il tombe sur vraiment plus fort que lui, il peut tout à fait fuir (par exemple si ses sbires se sont fait tuer)."


Pour le coup, le choix est moins évident. Le fait que ce personnage soit capable de mélanger les styles et les techniques peut lui donner, à priori, un air de couteau suisse sans profil principal évident. Pourtant, ce serait rater son côté fourbe, approprié à deux profils particuliers : le presseur et le contreur. 


Le Capitaine s'en était déjà servie pour illustrer le vieux briscard, alors je la reprends. Photo du film Capitaine Alatriste de Agustin Diaz Yanes, 2006



A) profils principaux : presseur et / ou contreur


Très bon en tout, expert en rien, le vieux briscard ne peut espérer rivaliser en technique avec un artiste, fait juste un peu mieux que l'athlète sans disposer de son physique. Bref, sur le papier c'est pas gagné.

Cependant, il a une arme, une arme si effroyable qu'il a pu, comme son nom l'indique, survivre et gagner en expérience jusqu'à mériter son rang. Cette arme, c'est la ruse. 
Chaque expert en est doté plus ou moins, mais le vieux briscard a élevé la sienne au rang de maître et sait pertinemment que sa force n'est de ne jamais suivre les règles. 

En escrime, elle peuvent s'affilier aux profils des conquérants, purs attaquants et des blindeurs, purs défenseurs. Ces profils sont d'ailleurs ceux qu'on encourage dans les armes dites conventionnelles : sabre et fleuret.

Je sais, L'esprit de l'épée parle d'épée, une arme non conventionnelle et notre pratique d'escrime de scène simule quasi systématiquement des combats, eux aussi, non conventionnels, mais quand même.

Dans notre histoire, le vieux briscard est certain d'une chose : il ne peut gagner contre un autre expert en conquérant ou blindant. Du moins, volontairement.  Au contraire, il doit pousser son adversaire à la "faute", la précipitation. Des situations qui collent mieux à sa philosophie et nous orientent tranquillement vers le profil de presseur qui bien qu'ouvreur va laisser l'adversaire décider d'attaquer, ou celui de contreur refusant d'entrer dans la distance, mais qui attaquera le premier. 

Comme ces deux profils sont possibles, il nous est libre d'en choisir un comme principal, l'autre comme secondaire ou carrément décider que notre vieux briscard jouera équitablement des deux. 

Quoiqu'il en soit, riposte et contre offensive de haut niveau, cela reste un expert, constituent l'essentiel de son arsenal. Un arsenal que le vieux briscard complétera volontiers de corps à corps, lutte et diverses tromperies. 


Exemple d'une situation qu'un vieux bricard affectionnerait particulièrement, tirée du traité de Paulus Hector Mair.  


B) Conquérant et blindeur, deux profils pouvant le mettre en difficulté.


Maintenant, que se passerait-il si l'adversaire n'était pas coopératif. De manière concertée quand même. N'allez pas improviser.  

1. Notre vieux briscard joue le contre. Cependant, son ennemi rentre dans la distance et attaque. De fait, il ne peut plus décider d'attaquer et se retrouve forcé à blinder. Sauf que nous avons bien précisé qu'il sait qu'il n'est pas fait pour ce profil. De quoi se retrouver en difficulté si la situation devait durer. 
Après, s'il s'agit de faire une parade de quarte au lieu d'un battement du même nom, ce n'est pas ça qui va le tuer. Ce n'est pas comme si la gestuelle en était drastiquement changée. 

2. Le vieux briscard désire presser, mais se rend compte que l'adversaire ne se décide pas à l'attaquer. Au contraire, celui ci va maintenir un solide jeu de blindeur. Contraint et forcé, notre expert se décide à attaquer et se retrouve conquérant à ses dépends. Ce qui va aussi le mettre en difficulté si cela dure trop longtemps. 

Pour résumer : le vieux briscard s'avère un excellent contreur et presseur. Il peut jouer blindeur et conquérant si cela s'avère nécessaire, mais de manière temporaire : une adaptation sur le moment qui ne doit pas s'éterniser sous peine de se retrouver réellement dominé. 


Une autre avec une arme plus "élégante". Position après avoir désarmé sur le coup de tierce (fig 37) de  l'École des Armes d'Angelo, 1763.
 

Ceci déclaré, il est temps de parler de l'artiste, notre petit dernier. 

III L'artiste, un maître à tout faire au profil principal déterminé par son interprète. 

L'artiste peut se voir comme "l'idéal du héros et du combattant. Il s'agit d'un escrimeur maîtrisant son art à la perfection et capable d'en exprimer toute la pureté. Cela regroupe essentiellement deux types de personnages : les maîtres d'armes et les héros chevaleresques. C'est d'Artagnan, Cyrano, Ivanhoé, Aragorn ou John Snow. Il s'agit souvent du type de personnage choisi lors des compétitions d'escrime artistique car il se prête idéalement à montrer de la belle escrime.

En effet, celle-ci doit respirer la grâce et la perfection du geste. On attend d'eux un parfait équilibre, une excellente maîtrise de l'arme et des déplacements. Si l'expert peut être vif, si il peut faire des feintes ou des provocations, c'est d'abord parce qu'il excelle en technique qu'il ou elle se bat bien. On l'imagine loyal, le genre à ne pas profiter d'être en supériorité numérique et à demander à un compagnon de ne pas intervenir, ou encore le seul type de personnage (ou presque), capable de rendre son épée à son ennemi après l'avoir désarmé."


Bref, il semble surtout pouvoir tout faire et c'est ce point qui va nous emmerder. 

A) Profils principaux possibles : tous ou la difficulté de choisir. 


Son statut de technicien suprême lui permet normalement de choisir le profil le plus adapté aux situations qui lui sont présentées. L'ennui ? Il n'existe pas un seul profil adapté. La manière de s'escrimer des adversaires qu'il affronte peut nous orienter. Toutefois, cela ne devrait pas nous laisser, là encore, une seule possibilité.  Pas quand on est un artiste. Nos choix sont multiples. Un conquérant nous agace. Réduisons le au silence en tant que contreur, blindeur ou mieux conquérant nous même. Une liberté qui, bien que génial, nous dérange pour trouver le profil principal. Un profil que nous devrons manifestement, contrairement aux deux autres archétypes, établir au cas pas cas. 

Ce n'est pas pour rien que nous considérons l'artiste comme le personnage le plus dur à interpréter. 

Heureusement, des éléments vont nous aiguiller. 


Que vous soyez un conquérant… Position de la garde de tierce et du coup de seconde (fig 7) de l'École des Armes d'Angelo, 1763.



B) Arme, supériorité, personnalité, autant d'éléments à déterminer pour choisir le profil adapté. 

Nous pouvons résumer, les motivations d'un artiste en deux catégories : confirmer qu'il est bien un maître de la belle escrime et montrer au public dont ses opposants sa supériorité morale et sociale. 

1) profils et belle escrime, un résultat dépendant de la logique de son arme. 

Lors de mon dernier article, France et escrime artistique : un monde d'artistes ?, j'avais écrit la phrase suivante :  "Et un combattant expert qui associerait aussi bien, escrime et corps à corps bah... c'est pas un artiste. Surtout quand il trouve ça normal, plus efficace... le vieux briscard. L'athlète parfois."

Or, ce n'était vrai qu'en considérant l'artiste comme un personnage formé par l'école française, le fleuret toussa toussa. Ici, en effet, la belle escrime représentée ne reconnaît pas le corps à corps ou la lutte. Cependant, si nous changions d'époque, disons le moyen âge, et que nous prenions de nouveau un artiste, il n'éprouverait pas ces problèmes : corps à corps et lutte faisant ici partie intégrante des escrimes proposées. 

Ainsi, notre artiste représente une belle escrime, mais en fonction de son époque ce ne sera pas la même. Et c'est là que c'est intéressant. Puisque les armes et philosophies changent, les logiques aussi dont des profils à privilégier : l'école française, pour l'exemple, met en avant la parade riposte en deux temps favorisant un profil de blindeur pour un personnage fermeur. Au contraire, l'épée longue valorise plus le fait de défendre et toucher en même temps, soit, toujours pour un fermeur, un jeu davantage de contreur : toucher de manière à se protéger, intercepter l'arme adverse si jamais ce dernier, pourtant en retard, décide d'attaquer. 

Donc, la logique de l'arme nous aide à identifier des profils pour notre artiste. Quand on vous dit de la connaître. Après, si cela ne suffit pas, abordons le rapport de ce personnage vis à vis de sa prétendue supériorité.

Un contreur... Demi volte sur les coups forcés en dehors des armes (fig 32) de l'École des Armes d'Angelo, 1763.


2) Complexe de supériorité de l'artiste et profils, la tentation du risque, du contreur et du presseur.


En effet, le complexe de supériorité de l'artiste peut l'amener à prendre des risques inconsidérés. Quitte à sortir de ce que la belle escrime aurait préconisé : jouer le contreur au lieu du blindeur, le presseur au lieu du conquérant, ainsi de suite. 

D'ailleurs je ne prends pas ces deux profils par hasard. D'expérience, c'est souvent eux qui ressortent lorsque nous souhaitons faire frimer ce personnage. 
Vous allez me dire que cela ressemble étrangement au vieux briscard. C'est pas faux. À la différence que le vieux briscard va aller au bout de son idée et chercher à terrasser son adversaire. L'artiste, sous le coup de son hubris, aura plus tendance à vouloir prouver à son opposant sa supériorité technique, soit morale et sociale, en le menaçant, l'humiliant, voire le blessant, mais en aucun cas en l'achevant. Du moins, pas avant un moment. 

Pour synthétiser, si votre artiste est arrogant, attribuez lui le profil de contreur ou de presseur. 

3) La personnalité de l'artiste, dernière possibilité pour déterminer son profil. 


Enfin, si cela ne suffit toujours pas, revenons à la base posée par l'Esprit de l'Épée : "On peut voir ces profils de jeu comme une déclinaison de la personnalité du tireur". 


Un presseur ou un blindeur. De la parade de prime sur coup de seconde (fig 21) l'École des Armes d'Angelo, 1763.



Quelle est donc cette personnalité ? Plutôt colérique ? Partons sur un conquérant. Parfois presseur. Prudent ? blindeur, ainsi de suite.

Pour la trouver, notons qu'elle peut être renseignée par une fiche de personnage, des consignes imposées comme rester à déterminer. 

Dans ce dernier cas, libre à vous de le fixer. Au besoin, miser sur votre propre personnalité. Attention, toutefois, à ne pas oublier ce que l'arme pratiquée et la supériorité de votre personnage auraient pu déjà baliser. 
Néanmoins, mis bout à bout ces trois éléments : arme, rapport à la supériorité et personnalité devraient vous permettre de déterminer le profil principal d'un artiste, son secondaire, mais aussi ses points faibles. 

Pour résumer : si la difficulté de l'artiste demeure sa capacité à jouer chaque profil sur le papier, il nous revient de l'identifier dans, au moins, un de ces profils. Les pistes que nous venons d'exposer sont là pour soutenir nos raisonnements à ce sujet. 

Conclusion


Par cet article, je souhaitais aborder avec vous, l'idée qu'en combinant les archétypes et les profils, proposés par L'esprit de l'Epée, nous pouvions disposer d'un cadre plus précis pour commencer à créer.

Si vous êtes du genre à fourmiller de projets, ces deux outils ne vous seront peut-être pas d'une grande utilité. Vous devez être assez rodés sur le sujet pour disposer de vos propres procédés.
Cependant, si ce n'était pas le cas ou que vous faites face au syndrome de la page blanche, souvenez-vous que tous les moyens sont bons pour vous lancer. 
Les archétypes ou les profils, seuls, peuvent déjà nous être d'une grande utilité. Toutefois, je ne peux que vous conseiller la combinaison des deux, formidable socle de départ : celui de rapidement nous guider dans nos personnages, mais aussi l'escrime à leur attribuer. 

Un gain de temps que nous pourrons mettre à profit pour répéter. Ce qui devrait en plus nous aider à trouver de meilleures idées. Rappelez-vous que nous pouvons toujours revenir en arrière et changer.

Une précision pour terminer : 

J'ai pris le parti de vous parler d'un outil, les profils élémentaires de l'Esprit de l'Épée que je sais particulier pour les raisons que je vous ai exposées. 
Je l'ai fait parce que je les utilise et que j'y crois. Cependant, il serait tout à fait normal que vous en préféreriez d'autres.

Tant que vous vous régalez et n'avez pas l'impression de vous rater, vous êtes bien libre de faire ce que vous voulez. Mais si un jour vous éprouvez une difficulté ou désirez simplement changer, archétypes et profils seront toujours là pour vous aider. Bien sûr, si vous le souhaitez.

Prenez le temps de le considérer. 

C'était le Baron de Sigognac. 

Je vous souhaite de nouveau un bon été.